Sécheresses californiennes extrêmes : entièrement naturelles?
Greg Malet est un français de Nantes. Il a passé pas mal de temps au Canada et aux États-Unis comme touriste puis en PVT (permis vacances travail). Il en a profité pour faire des « road trips » et explorer les villes, la nature et la vie sur les routes. Dans ce dernier domaine, il s’y connaît et d’ailleurs, il est chauffeur d’autobus scolaires à Nantes.
Google maps
En 2015, il est allé en Californie pour l'été et en 2017-18, il y est retourné avec sa mini van en décembre-janvier. Il en rêvait « parce qu’il y fait beau tout le temps. On peut y profiter de l’été et visiter plein de choses : des parcs naturels aux studios de Hollywood ».
Avec ses 423 970km2, la Californie c’est le troisième plus grand État américain. Côté environnement, hormis les tremblements de terre et les feux de forêt, on peut penser à son relief très diversifié. Il y a le littoral de la côte Pacifique, qui borde toute la partie ouest, la chaîne de montagnes culminant à 4 421 mètres avec les forêts surtout au nord et de nombreux parcs nationaux aux arbres centenaires protégés. Il y a aussi le désert, côté frontière avec le Mexique, et entre les deux, énormément de zones agricoles ou d’élevage industriel à perte de vue. À Badwater, dans la vallée de la mort, on est à 86 mètres sous le niveau de la mer. L’eau ne s’y est pas accumulée parce les températures y sont extrêmes : la moyenne du mois de juillet entre 2001 et 2013 était de 47 degrés Celsius. Ce sont les chaînes de montagnes qui empêchent, sur trois côtés, cette vallée de recevoir les nuages chargés d’eau de pluie. On y a même enregistré des températures allant jusqu’à 56 degrés en 1913. Ce chiffre est contesté, mais record de chaleur en 1913, c’était pourtant bien avant qu’on commence à parler des causes des changements climatiques. Alors est-ce que les sécheresses de la Californie sont un phénomène entièrement naturel ou est-ce que c’est quelque chose qui est accentué par les activités humaines?
Déjà en 1960, la Californie s’était dotée du State Water Project : des citernes pour emmagasiner l’eau des diluviennes pluies du printemps. La plus grande sécheresse de la Californie dura de 2011 à 2017. Ce n’est qu’en 2014 que les effets se firent sentir : ce fut la première fois que le State Water Project system manqua d’eau. Les feux de forêt firent périr 102 millions d’arbres et on peut imaginer les conséquences en pertes matérielles et humaines, cette année-là. Les scientifiques considèrent 2014 comme l’année la plus grave du point de vue de la sécheresse depuis 1200 ans. Hasard ou activité humaine? J’ai interrogé Greg pour tenter de voir s’il y a des éléments de l’activité humaine, en Californie, qui sembleraient accentuer le réchauffement climatique. Greg a cette impression.
Selon lui, il fait environ 35 degrés l’été, mais avec le vent marin, c’est très supportable. En hiver, il a ressenti des 25 à 30 degrés et « pour un Européen, c’est chaud!». Il confirme la description faite ci-haut, mais il rajoute que les villes sont très denses. Pour un Européen, que la majorité des villes paraissent denses, en Amérique du Nord, c’est plus étonnant. Les villes sont très étendues. Beaucoup de banlieues, selon lui, autour des grandes villes et très très peu de verdure dedans ou entre les deux. La végétation se trouve au nord, qui est très vert, les villes très denses sont plutôt au centre de l’État et dès que les banlieues s’arrêtent, au sud de Los Angeles, ce sont des enclos de vaches qui piétinent la terre ou la boue, selon la saison. 1 km de long d’enclos entre-coupés par des champs de céréales. Des champs en cercles ou en carrés : « Tout est fait pour faciliter le travail de la machine. Les céréales sont ramassées par des bras articulés et les animaux sont nourris aussi par des bras articulés montés sur des tracteurs. Et puis ça pue ». L’eau vient de rivières naturelles ou de canaux d’irrigation. Quand Greg est passé, des panneaux partout sur les routes rappelaient aux agriculteurs de ne pas prendre trop d’eau. Les fontaines publiques, derrière les stations-service, pour boire l’eau ou pour le van, sont payantes, contrairement aux autres États visités par ce voyageur. Il s’est fait dire que le nettoyage des voitures et l’arrosage des jardins sont interdits à domicile, en période estivale. Malgré tout, certains points d’eau s’assèchent. Ce fut le cas du Salton Sea, près de Salton City, où Greg a vu la démarcation de là où devait arriver l’eau, un jour. Il y a encore plein d’eau dans le lac, mais à certains endroits, il ne restait que de la boue, des cadavres de poissons et des algues vertes : des coins tout secs. La terre y était craquelée. La marina était désaffectée, le centre pour visiteurs et des campings étaient fermés. La ville de Salton a été qualifiée par Greg de presque ‘bidonville’. « Je pense que le lac contribuait beaucoup à l’économie locale et, étant donné que le lac était souillé, il y a dû y avoir pas mal de gens qui se sont retrouvés sans emploi ». Greg évoque aussi la triste et mythique Slab City, non loin, qui est une base militaire désaffectée où beaucoup de personnes sont allées habiter dans leur véhicule, en communauté, suite à la crise des « subprimes » et qui sont régulièrement rejoints par ceux qui ont tout perdu suite aux ouragans, aux feux de forêt, aux inondations et autres catastrophes naturelles. À côté de ça, à Beverly Hills, il y a des belles pelouses bien arrosées et à Palm Spring, en plein désert, il y a de nombreux golfs bien verts. On trouve aussi des parcs aquatiques. « Je pense qu’il y a des quartiers résidentiels où l’arrosage est toléré et, plus le sud de Los Angeles c’est plus aride comme zone alors que dans les quartiers assez riches de Los Angeles ça va être très vert ». En Californie, l’État le plus peuplé, sur les 40 millions d’habitants, il y a 165 milliardaires et plus de 20% de la population vit sous le seuil de la pauvreté[1]. Il n’y a donc pas que l’environnement qui soit contrasté.
Entre San Francisco et Los Angeles, c’étaient des champs de fraises, des orangeraies, des palmeraies, des amandiers et des vignes à perte de vue. De très grandes exploitations et pas de végétation autour. Des cépages français ont été importés en Californie. Greg a l’impression que la forêt a été coupée pour la construction de villes, puis pour la production de fruits et légumes et, finalement, pour les banlieues, au centre de la Californie. Tandis qu’au sud, il a l’impression que le bétail et les exploitations céréalières nécessitent trop d’eau pour un environnement qui en a trop peu à offrir en dehors de la saison des pluies. Cela fait plusieurs facteurs stressants pour l’environnement, des facteurs de réchauffement, en plus de la pollution et de l’importation d’espèces non indigènes avec ce que ça peut entrainer comme conséquences. Et quand il a évoqué les stationnements de Disney land avec leurs 12 étages, je suis allée voir sur Google Map. Y’a-t-il autant de voitures qui visitent en même temps Disney land et son parc hôtelier? « Certains parkings étaient pleins », dit Greg qui s’y est carrément perdu. Alors même si les causes naturelles expliquent en majeure partie les grandes sécheresses en Californie, le réchauffement dû aux activités humaines a considérablement augmenté la probabilité globale et l’intensité des sécheresses extrêmes. C’est scientifiquement démontré[2].
Ariane Genet de Miomandre
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[1] Lemonde.fr, « La Californie fait face à un déficit historique et des coupes budgétaires difficiles », 15 mai 2020, https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/coronavirus-la-californie-fait-face-a-un-deficit-historique-et-des-coupes-budgetaires-difficiles_6039723_3210.html
[2] A. Park Williams et al. 2015. « Contribution of anthropogenic warming to California drought during 2012–2014 », Geophysical Research Letters, vol. 42, no 16. p. 6819–6828. https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/2015GL064924