De l’espoir en Côte d’Ivoire
En 2012, je suis allée en Côte d’Ivoire. Il ne fallait probablement pas aller jusqu’à Abidjan pour voir des berges pleines de déchets. Mais, en général, ce n’est pas ça qui est mis de l’avant, touristiquement. Comme première, cela m’a choquée, ainsi qu’on pouvait s’y attendre. Je mentirais si je disais que cette vision est le seul déclencheur de ma pratique du « zéro déchet, presque », mais cela y a contribué, et j’ai commencé en 2013.
Crédit photos : Ariane Genet de Miomandre, Abidjan, 2012
Selon les chiffres lus dans plusieurs articles (datant de 2019), la ville d’Abidjan produit plus de 280 tonnes de déchets plastiques par jour. Le gouvernement est au conscient que cela est problématique. Selon l’UNICEF, 5% de ces déchets sont recyclés et le reste est déposé dans des décharges à ciel ouvert de quartiers plus défavorisés économiquement ou jonchent les sols de manière désorganisée jusque dans les aires de jeu pour enfants. Alors que la ville d’Abidjan s’étend, comme tant d’autres villes, il lui est difficile de transformer les quartiers périphériques, remplis de déchets plastiques, en nouveaux lieux d’agriculture et d’élevage périurbains. On reconnaît que ces matières plastiques peuvent étouffer le bétail qui l’ingèrent, peuvent souiller les sols, l’air, l’eau, et qu’il faut mettre un terme à leur production ou leur importation de manière à « fermer le robinet ». Aussi, en 2013, je l’ignorais, mais plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest se sont mis d’accord pour bannir les sachets en plastique, ceux-là même qui m’ahurissaient tant parce qu’ils étaient absolument partout, à tous les coins de rue, dans tous les fossés et que dans chaque magasin, pour la moindre babiole, on vous en fournissait 3. Or, « en dépit de l’existence depuis 2013, d’un décret portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’utilisation des sachets plastiques au niveau national, force est de constater que la résistance est très forte, et leur utilisation perdure », a dit la ministre ivoirienne Anne Désirée Ouloto, le 3 juillet 2019.[1]
Crédit photos : Ariane Genet de Miomandre, Abidjan, 2012
On se doute qu’en l’absence de systèmes de collecte officiels et bien rôdés, seul l’argent à faire avec les déchets peut vraiment faire bouger les choses. Heureusement, des systèmes non-officiels se mettent en place, car il y a de l’argent à faire avec les déchets,
« AfricWaste est un projet pilote démarré en octobre 2018. C’est d’abord une plate-forme pour téléphones intelligents afin de relier les gens qui veulent se débarrasser de déchets plastiques, les commerçants et les particuliers, à ceux qui les collectent. Le tout est récupéré, aux abords d’une décharge, par la compagnie qui recycle ces plastiques. Ceux qui collectent sont rémunérés. C’est un secteur de l’économie informelle qui emploie bon nombre de femmes et, à en croire leur bilan sur 6 mois, ils ont ainsi pu collecter 15 tonnes par mois de plastique PET [polytéréphtalates d’éthylène]. » [2]
Veolia est une des compagnies qui recycle les plastiques sur place et qui a co-créé ce projet. On peut se demander ce que produisent ces usines de recyclage du plastique. Une piste de réponse m’a été donnée par un article écrit au sujet d’un projet de l’Unicef : pour en faire notamment des briques étanches pouvant résister aux vents et aux décennies. Elles seraient 40% moins chères et 20% plus légères que celles en terre, selon l’Unicef, qui a fait appel à une compagnie colombienne pour produire ces briques qui constitueront les murs de nouvelles salles de classe en Côte d’Ivoire avec les déchets plastiques d’Abidjan. L'entreprise sociale de Colombie Conceptos Plasticos devrait aussi construire une usine pour fabriquer ces briques en Côte d’Ivoire. La directrice générale de l’Unicef a annoncé, en 2019, que ce projet, du moins la partie financée par l’Unicef, va permettre de construire 500 salles de classe en périphérie d’Abidjan, de réduire la pollution plastique et de créer des revenus pour les populations vulnérables, permettant également à ces zones rurales d’être plus attrayantes pour ceux de la ville qui seraient attirés par l’agriculture ou l’élevage ou les emplois créés par ces futurs projets d’ouverture d’usines.[3]
La petite entreprise Coliba a également créé son application mobile de repérage des déchets plastiques à venir collecter. Elle organise la collecte en payant elle-même les collecteurs avec l’application mobile. Elle broie, en petites pastilles, les déchets plastiques qui sont triés et elle les revend en mentionnant les briques de plastique comme application potentielle.[4]
J’ai été curieuse de voir si, fin 2020, quelque chose s’était concrétisé à Abidjan. Je suis allée voir le rapport annuel 2020 de l’Unicef pour la Côte d’Ivoire. Je n’y ai rien vu concernant de nouvelles salles de classe dans la ville capitale, mais apparemment, il y en a déjà qui ont été construites en 2020 à Bromakoté. L’ambassadrice de l’Unicef en Côte d’Ivoire, la rappeuse Nash, leur a rendu visite et un article où on peut voir de quoi ont l’air ces briques est sorti sur le site de l’Unicef. [5] Un espoir est né en moi…
Ariane Genet de Miomandre
[1] Commodafrica.com, « le recyclage du plastique en Côte d’Ivoire prend une tournure industrielle », http://www.commodafrica.com/01-08-2019-le-recyclage-du-plastique-en-cote-divoire-prend-une-tournure-industrielle, consulté le 28 décembre 2020.
[2] Livingcircular.veolia.com, « À Abidjan AfricWaste optimise la collecte de bouteilles en plastique », www.livingcircular.veolia.com/fr/ville/abidjan-africwaste-optimise-la-collecte-de-bouteilles-en-plastique, consulté le 28 décembre 2020.
[3] Commodafrica.com, « le recyclage du plastique en Côte d’Ivoire prend une tournure industrielle », http://www.commodafrica.com/01-08-2019-le-recyclage-du-plastique-en-cote-divoire-prend-une-tournure-industrielle, consulté le 28 décembre 2020.
[4] Coliba.ci, « Bienvenue sur Coliba », https://www.coliba.ci, consulté le 29 décembre 2020.
[5] Unicef.org, « l’ambassadrice nationale de l’unicef Nash visite des salles de classe en plastique recyclé », https://www.unicef.org/cotedivoire/recits/lambassadrice-nationale-de-lunicef-nash-visite-des-salles-de-classe-en-plastique-recycl%C3%A9, consulté le 29 décembre 2020.