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Hommage au professeur Lionel Vallée (1931-2021)

Hommage au professeur Lionel Vallée (1931-2021)

Lionel Vallée, professeur retraité du Département d'anthropologie, s’est éteint le 7 novembre 2021 à l’âge de 90 ans. Né à Montréal dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve le 15 octobre 1931, il fit ses études secondaires à l’Externat classique Sainte-Croix. Il était détenteur d'un baccalauréat ès art et d'une maîtrise en service social de l'Université de Montréal. Il fut un des pionniers de l'anthropologie et des études latino-américaines à l'Université de Montréal. Recruté en 1964, suite à l'obtention d'un doctorat de l'Université Cornell (Ithaca, N.Y.), il est à l'époque un des rares Québécois à avoir complété des études doctorales en anthropologie. Le département comptait alors 28 étudiants.

Dès 1965, il est nommé directeur du Département d'anthropologie, poste qu'il occupera pendant trois années. Il participa à la consolidation de ce dernier en recrutant plusieurs nouveaux collègues. Spécialiste de l'Amérique latine, il se passionna pour les Incas et leurs descendants dans les Andes. Lionel fut d'abord et avant tout un chercheur de terrain qui, de 1966 à 1984, se rendit chaque année en Amérique du Sud, principalement au Pérou et en Bolivie. Il fit également des recherches ethnohistoriques dans les Archives générales des Indes à Séville en Espagne et il était un féru lecteur des chroniques coloniales anciennes.

Lionel était un conteur intarissable et captivant lorsqu'il parlait de ses expériences de terrain. La plus dramatique étant certainement sa toute première visite à Manchiri en 1969, un village Quechua des Andes péruviennes en compagnie d'un assistant et étudiant péruvien, Salvador Palomino Flores. Cette expérience avait même fait l'objet d'un article, quelque peu sensasionnaliste, dans Le Petit journal, un hebdomadaire populaire publié à Montréal, avec comme titre: « Les aventures du professeur Vallée de l'Université de Montréal: Dans un village perdu du Pérou, il passe pour un Dieu et on veut lui faire un mauvais parti ». En fait, il avait été pris par les villageois pour un Nãkaq, une figure de l'imaginaire andin associée à un égorgeur sanguinaire qui prend les traits d'un homme blanc et barbu qui se déplace à dos de cheval dans les montagnes en étant accompagné d’un assistant qui repère les lieux les plus favorables à son dessein. Après quelques jours de discussions très tendues, Lionel avait dû fuir le village par crainte pour sa vie. Son assistant, Salvador Palomino qui parlait quechua, avait par la suite réussi à apaiser les tensions, ce qui lui permit de revenir à Manchiri et d'y mener par la suite des recherches fructueuses pendant de nombreuses années.

Suite au coup d'État militaire, il se rendit au Chili en 1973 avec comme mission de documenter la persécution politique subie par des professeurs et étudiants après le renvoi de tous les recteurs des universités chiliennes et leur remplacement par des militaires. Il a produit un compte rendu remarquable de ce voyage au Chili dans lequel il témoignait de l'intérieur de la situation et prônait pour une politique d'accueil au Canada des professeurs menacés par la junte militaire.

À partir de 1975, il concentra une partie de ses recherches dans le secteur du bassin amazonien au Brésil et au Pérou. Il s'intéressa à l'ethnohistoire des contacts entre les Incas et les populations des basses terres amazoniennes et collabora avec le cinéaste et réalisateur Daniel Bertolino comme conseiller scientifique à la réalisation de plusieurs documentaires.

À l'Université de Montréal, Lionel Vallée est associé à la création du Groupe de recherche sur l’Amérique latine (GRAL) et du Bureau de la coopération internationale (ancêtre de l'actuelle Direction des affaires internationales), dont il fut le directeur de 1984 à 1993, année de sa retraite. Ses fonctions l’ont amené́ à négocier des ententes de coopération interuniversitaires dans de nombreux pays, notamment l’Algérie, la Chine, la France, le Japon et l’Italie.

Après sa retraite, il est demeuré très actif. En collaboration avec l’Association Universitaire Internationale (AUI), il mettra sur pied une formation à la gestion des affaires internationales en milieu universitaire qu'il dispensa dans plusieurs pays. Il fut directeur des Centres d’éducation canadien (CEC) de la Fondation Asie Pacifique du Canada pour la province de Québec, membre du conseil d’administration de la Fondation Jules et PaulÉmile Léger et secrétaire de l'Association des Professeures et Professeurs retraités de l'Université de Montréal (APRUM).

Il fit don de sa bibliothèque riche en ouvrages sur l'Amérique latine à l'Université ainsi que d’un lot de 264 objets à la collection d’objets ethnographiques du Département d’anthropologie. Les artefacts proviennent principalement de la région andine du Pérou et de la Bolivie, ainsi que de l’Amazonie péruvienne et brésilienne. En 2011, à l'occasion du 50e anniversaire de la création du Département d'anthropologie, une importante exposition organisée par le Centre d'exposition de l'UdeM fut consacrée à ses travaux de recherches et aux objets qu'il a légués à l'Université.

J'ai eu le privilège de travailler sur le terrain avec Lionel de 1981 à 1983. Il m'avait alors offert d'être son assistant dans le cadre d'un projet de recherche mené en collaboration avec les Achuar de l'Amazonie péruvienne. Cette expérience a été déterminante pour la suite de ma carrière et je lui dois énormément. Sur le terrain, il m'a communiqué son éthique de travail qui passait par le plus grand respect des personnes qui collaborent avec nous. Anthropologue engagé, il a toujours eu à cœur la solidarité internationale, une conviction qui l'a guidée tout au long de sa carrière et qu'il a mise au service du développement et du rayonnement de notre institution.

Robert Crépeau

Professeur titulaire

Département d'anthropologie