Marianne-Sarah Saulnier a été choisie comme lauréate de la Médaille académique d’or du Gouverneur général du Canada pour sa thèse, La danse Cobra comme espace de transformation des dynamiques de genre: regards sur les femmes de Kalbeliya du Rajasthan en Inde du Nord, qu’elle a élaborée sous la direction de Karine Bates. Marianne-Sarah a soutenu le 21 juin 2021 et a obtenu la mention ‘exceptionnelle’.
Sa recherche doctorale porte sur la danse et la musique parmi un groupe minoritaire en Inde, qui majoritairement gagne leur vie en dansant pour le public. Justement, ce sont les femmes qui se mettent en spectacle, ce qui bascule les attentes populaires sur le statut des femmes indiennes, qui sont en général assez encadrées par une culture patriarcale et même misogyne. La thèse de Mme Saulnier porte sur les négociations et les microtensions qui résultent quand ce sont les femmes et leurs talents qui forment la source la plus importante de revenu dans ce milieu patriarcal.
Il y une autre dimension. Ces danseuses sont généralement jeunes et attrayantes, et les danses ont un élément légèrement érotique. Ceci les permet de mettre en scène et de politiser leur genre et leur sexualité sous une forme acceptable pour les hommes et pour le public indien (c’est ‘seulement’ une danse, et elles sont ‘seulement’ des Gitanes!). Ceci à première vue d’oeil contredit et même dévalorise leur statut de femme (censées être inférieures, selon les valeurs affichées sur l’espace public). En réalité, elles bricolent une identité qui est à la fois cohérente avec le statu quo, mais qui est aussi puissante, émancipatrice et même subversive. Bref, Marianne-Sarah a dressé un portrait nuancé sur la base d’observations empiriques détaillées, comme dans les meilleures traditions scientifiques, et a produit un document qui est théoriquement à l’avant-garde et pertinent pour les débats contemporains sur le genre.
Loin d’être une analyse d’un groupe ésotérique, ce document est pertinent pour les études sur le genre même dans le contexte occidental. La culture indienne contemporaine est criblée de luttes de statut ‘underground’, car la loi exclut du discours populaire les considérations traditionnelles telles que la caste. Le résultat est l’émergence de voies parallèles pour l’affirmation du Soi et de voix transversales pour se faire reconnaitre ou pour cacher son statut.
Marianne-Sarah est aussi une enseignante douée et s’est beaucoup impliquée dans la vie départementale comme rédactrice en chef de la revue Anthropocité, éditions 2021 et 2020.